L'aide du généticien à une personne atteinte de maladie rénale héréditaite
 

Que peut-on attendre du séquençage extensif du génome ?
Quels sont les enjeux du séquençage ?
Le premier bénéfice de la Génétique : le diagnostic
Le deuxième bénéfice : la prévention prénatale
Le troisième bénéfice : l'évaluation des risques pour les apparentés
Le quatrième bénéfice : la mise au point de traitements.
Quelques réflexions : l'hétérogénéité génétique
Quelques réflexions : les questions éthiques
Quelques réflexions : les obstacles financiers
Discussions

 

Introduction

La Génétique explose en ce début de siècle. Elle a apporté des clés de première importance dans le diagnostic, la compréhension et la prévention des maladies génétiques, qu'elles soient rénales ou non rénales.
Les maladies génétiques sont un poids lourd dans la Santé actuellement. Environ 30.000 enfants atteints de maladies génétiques naissent par an en France, ce qui représente 3 à 4 % des naissances. En Europe, les maladies génétiques concernent près de 25 millions de personnes. Il s'agit donc d'un enjeu de société considérable.

Depuis quelques années, on parle beaucoup des maladies génétiques. Mais sont-elles plus nombreuses qu'avant ? Non.
On en parle plus parce que l'on parle moins des maladies infectieuses, la tuberculose par exemple, de la malnutrition, de l'alcoolisme, et de la prématurité... Ces enjeux, majeurs dans les années qui ont suivi la guerre, sont maintenant vaincus.
On en parle plus parce qu'elles constituent un noyau de résistance, encore inaccessible à des traitements radicaux.
Les progrès accomplis sur le génome ces dernières années ont pu être appliqués aux maladies génétiques. Rappelons-nous qu'il y a 15 ans, nous étions incapables de localiser le gène d'une maladie héréditaire. Dans une première étape, ce sont les outils moléculaires permettant d'explorer l'ADN, support de l'hérédité, qui ont été découverts. Puis, par l'étude en génétique moléculaire des familles des patients, les généticiens ont pu localiser sur quels chromosomes se trouvaient les gènes impliqués dans les différentes maladies. Les généticiens se sont d'abord attaqués aux maladies les plus fréquentes et les plus graves : la MYOPATHIE, la MUCOVISCIDOSE, l'HEMOPHILIE... avant de s'attaquer à des maladies aussi graves, mais plus rares. Ces 10 dernières années, les gènes des MALADIES HEREDITAIRES RENALES ont été d'abord localisés. Rappelons le travail remarquable accompli par le groupe des docteurs Marie-Claire Gubler et Corinne Antignac qui ont attaché leurs noms à la localisation et à l'identification de plusieurs gènes de maladies rénales héréditaires (NEPHRONOPHTISE, CYSTINOSE, SYNDROME D'ALPORT, SYNDROME NEPHROTIQUE CORTICO-RESISTANT).

Identifier les gènes permet de comprendre quelles sont les bases des maladies génétiques et, par conséquent, d'envisager des possibilités de traitement.


Nous assistons à une accélération des connaissances :
*la carte génétique est plus dense,
*nous avons des outils pour trouver les gènes,
*l'ensemble de la séquence du génome est connu.


Le séquençage du génome fait rêver. Certains ont l'impression que tous les problèmes seront résolus lorsque le séquençage sera sur Internet !

Mais, les progrès majeurs en Génétique ont été accomplis entre les années 1980 et 2000. Les gènes des maladies rénales ont été trouvés avant que nous connaissions la séquence complète du génome !


 

Que peut-on attendre du séquençage extensif du génome ?


Que signifie "séquencer le génome" ? C'est recenser tous les nucléotides qui le composent.
Le séquençage permettra de trouver les gènes des maladies rares. En effet, il reste un certain nombre de maladies dont les gènes ne sont pas encore identifiés. Or nous savons que, pour identifier le gène d'une maladie, il faut étudier un nombre suffisamment grand de patients. Si la maladie est rare, notre connaissance ne progresse que lentement.

Voici un exemple tiré de notre propre expérience. C'est celui d'une maladie sévère, mais rare, le SYNDROME D'ALLGROVE (caractérisé par une insuffisance des glandes surrénales et un problème digestif d� une innervation anormale de l'intestin). On savait sur quel chromosome et dans quelle région de ce chromosome était situé le gène. Mais cette région comprenait 100.000 nucléotides. Où était le gène ? Gr�ce aux données apportées par le séquençage de cette région, le Pr. Stanislas Lyonnet et ses collaborateurs (Centre de Génétique de l'hôpital Necker) ont pu rechercher très rapidement le gène qui pourrait être responsable de la maladie. Ils ont trouvé le gène en 15 jours !

Le séquençage va donc entraîner une modification des approches scientifiques. Le généticien est déjà, et sera, de moins en moins devant la paillasse, avec une pipette à la main, et de plus en plus devant l'ordinateur, à faire des hypothèses, à tester ces hypothèses, et à demander à l'ordinateur de confronter des séquences...

Mais le séquençage va-t-il apporter un bénéfice en matière de traitement ? Non, pas tout de suite.

 

 

Quels sont les enjeux du séquençage ?

La longue séquence de 3 milliards de lettres pose de nombreux problèmes.

A mon avis, les vraies questions sont les suivantes :

Comment le génome est-il lu au cours du développement humain, de l'embryon au sujet �gé ?

Comment le génome est-il lu dans les différents organes ? Nous avons le même génome dans toutes nos cellules et, cependant, l'expression de ces gènes diffère d'un organe à l'autre.

Comment notre organisme lit-il ce texte ? Vous connaissez ces livres d'enfants où il est possible de commencer l'histoire, de la continuer et de la finir là où on veut. L'enfant choisit une option et, selon l'option choisie, est renvoyé à telle ou telle page. Il a la possibilité de choisir son histoire. C'est un peu ce qui se passe avec le génome. Bien que le génome ait une structure figée, la machinerie génétique peut décider où et quand elle commence à lire ; elle peut s'interrompre, reprendre, ou s'arrêter. De plus, à la différence des livres lus d'une seule manière (de gauche à droite), le génome peut être lu à l'envers.

Les chercheurs ont-ils toujours à l'esprit le bénéfice que leur Science peut apporter au patient ? Ce n'est pas tout à fait certain. Nous pensons qu'il y a un décalage entre la connaissance du génome et les bénéfices que les patients peuvent en tirer.



Le premier bénéfice de la Génétique : le diagnostic

 

Bien des gènes ayant été trouvés, la Génétique permet maintenant d'éviter aux patients des explorations invasives.
Prenons l'exemple de la NEPHRONOPHTISE, dont le gène a été trouvé dans le groupe de Marie-Claire Gubler par Corinne Antignac. Jadis, il fallait une biopsie rénale et une étude anatomo-pathologique du fragment de rein prélevé pour arriver au diagnostic. Maintenant, une prise de sang de 5 millilitres chez un enfant, dont l'histoire clinique est évocatrice de NEPHRONOPHTISE, permet d'extraire le DNA des globules blancs pour rechercher l'anomalie moléculaire caractéristique (présente chez environ 90 % des patients).
Voici un autre exemple, celui de l'AMYOTROPHIE SPINALE (qui entraîne une paralysie des quatre membres à la naissance). Jusqu'à une date récente, il fallait de nombreux examens souvent pénibles, et en particulier, une biopsie du muscle et des électromyogrammes. Une prise de sang maintenant permet d'arriver au diagnostic de la maladie (dans 90 % des cas).

 

Le deuxième bénéfice : la prévention prénatale


Vous savez que plusieurs enfants d'un couple peuvent être atteints. Le risque d'avoir un enfant atteint, s'il s'agit de maladie récessive, est de 1 sur 4 et, s'il s'agit de maladie dominante, de 1 sur 2.

Lorsqu'il s'agit d'une maladie génétique à gène unique et parfaitement localisé, le diagnostic prénatal, fait à 10 semaines de grossesse, permet d'éviter à des couples l'expérience redoutable de une, voire plusieurs interruptions de grossesse.
Si le gène est identifié, la situation est simple : les mutations sont recherchées directement.
Si le gène n'est pas encore identifié, mais localisé sur un chromosome, le diagnostic prénatal est possible, mais ne peut être qu'indirect (puisque les mutations causales ne sont pas connues).

Prenons l'exemple d'une maladie rénale, la POLYKYSTOSE RENALE AUTOSOMIQUE RECESSIVE qui peut bénéficier d'une prévention prénatale. Le gène est localisé sur le chromosome 6, mais il n'est pas encore identifié. La découverte de kystes rénaux à l'échographie pendant la grossesse peut conduire à l'interruption de la grossesse, mais tardivement. Pour un couple qui a déjà fait l'expérience d'interruptions de grossesse tardives, le diagnostic prénatal indirect permet d'affirmer avec certitude que l'enfant attendu est normal ou qu'il est atteint. Cependant, avant de l'affirmer, le généticien doit être absolument s�r qu'il s'agissait bien d'une POLYKYSTOSE RENALE AUTOSOMIQUE RECESSIVE chez le premier enfant. Le diagnostic étant difficile, des erreurs sont possibles. Par conséquent, nous avons pris l'habitude de demander obligatoirement aux médecins de nous donner les arguments sur lesquels ils ont porté le diagnostic de POLYKYSTOSE RENALE AUTOSOMIQUE RECESSIVE chez le premier enfant (éventuellement un fotus) et nous demandons obligatoirement une validation du diagnostic par un spécialiste.
La prévention des maladies génétiques (rénales ou non) est légalement possible. La loi de 1975, dite loi Veil (qui doit être prochainement révisée), dit que "l'interruption médicale de grossesse est acceptable pour les affections d'une particulière gravité, incurables au moment du diagnostic". Mais comment différencier une maladie d'une particulière gravité de celle qui n'est pas d'une particulière gravité ? Toute le débat est là. Vous savez qu'il y a des maladies rénales qui, permettant une longue vie de bonne qualité, avec des possibilités de transplantation ou de dialyse, ne peuvent être considérées comme étant d'une particulière gravité. Nous devons discuter entre nous, médecins et, avec vous, parents, ou patients, pour définir ce qu'il est légitime de faire et ce qu'il est illégitime de faire.

A mesure que la Génétique avance avec son cortège de nouveaux gènes, elle induit une demande d'enfants parfaits, de vie sans risques... Le passage est extrêmement étroit entre ce que le généticien doit récuser au nom du respect de la dignité de la vie et ce qu'il peut éventuellement accepter au titre de la quête légitime pour une vie de qualité. Le plus souvent, nous arrivons à un consensus entre médecins et avec les parents. Mais il est clair que nous ne pouvons nous substituer à des parents. Il m'est arrivé de faire la morale à un père en lui disant : " Monsieur, vous avec une paralysie, vous avez 40 ans, vous avez deux enfants, vous avez un bon métier, vous me demandez un diagnostic prénatal pour votre troisième enfant à naître. Votre demande n'est elle un peu excessive ?". Et ce père m'a répondu : "Docteur, ce n'est pas vous, c'est moi qui vit le handicap !"
Le dialogue singulier entre le médecin et les parents, ou le médecin et le patient, est permanent. C'est ce dialogue qui donne au diagnostic prénatal, et à la Génétique, sa dimension médicale. Cette Génétique doit être exercée par des médecins qui se recommandent des valeurs traditionnelles de la Médecine. Pour cette raison, une spécialité de Génétique médicale a été créée. Il y a des spécialistes en Génétique médicale comme il y a des néphrologues, des cardiologues...

Evidemment, un généticien ne peut tout savoir. Que ce soit pour le diagnostic génétique, pour le conseil prénatal, etc, il faut que les généticiens coopèrent avec les autres spécialistes, en particulier, avec les néphrologues et avec les néphropédiatres. Dans la pratique de notre exercice quotidien, nous avons avec eux des dialogues fréquents et approfondis nous permettant de définir pour tel patient :
*quel est le diagnostic de certitude,
*quel est le gène le plus probablement en cause,
*quelle attitude il faut que d'un commun accord nous adoptions.
Cette pluridisciplinarité existe déjà dans un grand nombre de centres de références.




Le troisième bénéfice : l'évaluation des risques pour les apparentés

 

L'exemple le plus illustratif est celui du SYNDROME D'ALPORT. Cette maladie rénale résulte tantôt d'une mutation d'un gène sur le chromosome X, tantôt d'une mutation d'un gène situé sur le chromosome 2. En présence d'une femme enceinte qui nous dit qu'elle-même est atteinte ou que son mari est atteint, il est essentiel de déterminer le mode d'hérédité afin d'apprécier le risque pour ses descendants.
Si le syndrome est lié à un gène sur le chromosome X, il y a un risque pour les enfants : la femme atteinte peut transmettre le chromosome X porteur du gène déficient à ses garçons ou à ses filles ; l'homme atteint transmet le chromosome X à ses filles, qui peuvent le transmettre à leur tour.
La situation est différente s'il s'agit d'une hérédité récessive : chaque personne contribue par moitié à la transmission et il n'y a aucun risque pour les descendants. Dans cette situation, le généticien rassure totalement.

Lorsque la famille est grande et que plusieurs individus sont déjà atteints, le généticien peut, au vu de l'arbre généalogique, déterminer le mode de transmission et répondre à cette femme. Mais que peut-il lui répondre si la famille est petite, si un seul individu est atteint ? Cette situation est dramatique. Des techniques mises au point sur biopsie de peau par Marie-Claire Gubler permettent parfois de répondre. Mais dans un certain nombre de cas, il est indispensable faire une étude génétique de la famille afin de rechercher les mutations.
Cependant, comme nous le verrons plus loin, les moyens financiers manquent actuellement pour mener à bien ces tests génétiques.


Le quatrième bénéfice : la mise au point de traitements


C'est là notre mission. Nous ne sommes pas devenus des médecins pour interrompre des grossesses ! Nous sommes là pour soigner les patients !
Lorsque le mécanisme de fonctionnement d'un gène est compris, il nous devient possible d'imaginer des ripostes thérapeutiques. Quelles ripostes ? Non seulement la thérapie génique. Mais nous pouvons aussi imaginer des médicaments dérivés des connaissances en Génétique, ou utiliser des médicaments provenant de la pharmacologie traditionnelle qu'il ne faut pas oublier.

Nous travaillons sur une maladie, la MALADIE DE FRIEDREICH (qui entraîne des difficultés d'équilibre, de coordination, puis la perte de la marche). Le gène vient d'être identifié. Nous avons pu proposer un traitement qui se révèle efficace contre l'atteinte la plus sévère, l'atteinte cardiaque. Prenons comme autre exemple la CYSTINOSE. Le mécanisme étant compris, un traitement spécifique, la cystéamine, permet maintenant de retarder la progression de la maladie.

L'espoir dans le traitement des maladies rénales génétiques naît actuellement de l'étude des modèles animaux. Pourquoi est-ce important d'avoir des modèles animaux ? Parce qu'il est impossible de faire des essais de médicaments chez des enfants, chez des adultes, alors qu'on est en droit de faire ces essais chez des souris, des rats ou des chiens. Pour cette raison, les généticiens créent des modèles animaux lorsque la maladie n'existe pas spontanément chez l'animal.



Quelques réflexions : l'hétérogénéité génétique

Une maladie en apparence homogène cliniquement peut avoir plusieurs gènes en cause, c'est ce qu'on appelle l'hétérogénéité génétique. Par conséquent, le généticien peut se trouver devant des patients chez qui il ne sait pas quel est le gène responsable La simple étude de l'arbre généalogique ne suffit pas. Seule une étude systématique en biologie moléculaire permet de répondre. Mais, comme il a été dit précédemment, ces études rencontrent actuellement des obstacles de financement.


 

 

Quelques réflexions : les questions éthiques

Décider de dépister une maladie avant l'apparition de tout symptôme (on dit qu'il s'agit de diagnostic présymptomatique) demande réflexion. Chaque cas est particulier. Il faut des heures de discussion pour arriver à définir avec un couple ce qui est bon pour leur enfant, ou avec un patient ce qui est bon pour lui.

Faire une prise de sang pour trouver le gène responsable, cela prend 30 secondes. Expliquer les conséquences des résultats peut prendre des heures, voire des semaines. Ce n'est ni la prise de sang, ni la Génétique moléculaire qui posent problème, c'est l'usage qui va être fait de ce savoir. L'Ecclésiaste dit : "Abondance de savoir, abondance de souffrance. Celui qui augmente son savoir augmente aussi sa souffrance." Rappelons-nous que le médecin ne doit pas faire plus de mal que de bien avec sa prédiction.
Je souhaite protéger les patients contre des informations qu'ils ne sont pas prêts à entendre, surtout lorsqu'il s'agit de demandes concernant des mineurs. Il nous faut écouter les parents, puis écouter les enfants qui n'ont pas toujours les mêmes demandes que leurs parents, qui, eux, ne sont pas pressés de savoir.

Prenons l'exemple de la POLYKYSTOSE RENALE DOMINANTE AUTOSOMIQUE. Nous savons que le début est le plus souvent tardif, que l'insuffisance rénale peut se développer, mais qu'elle est le plus souvent tardive. Les parents veulent savoir si leurs enfants mineurs sont atteints ou non. Ils demandent un diagnostic génétique avant l'apparition de tout symptôme. La loi de 1994, révisée en 1998, interdit le diagnostic présymptomatique sur un mineur de moins de 15 ans, sauf s'il y a un bénéfice pour lui. Lorsqu'on ne peut envisager ni mesures thérapeutiques, ni mesures préventives, ne vaut-il pas mieux se taire ? Faut-il "empoisonner" la vie d'un gamin de 12 ans en lui disant qu'il a le gène de la POLYKYSTOSE RENALE et que, peut-être, il sera en dialyse vers 50 ans ?

Le Lévitique (chapitre XIX) devrait guider notre approche de la médecine génétique : "Ne va pas colportant le mal parmi les tiens, pour autant, ne reste pas les bras croisés devant le sang de ton prochain." C'est la situation dans laquelle se trouve le généticien lorsqu'il n'y a aucun traitement. Doit-il rester les bras croisés ? Doit-il en dire plus ? Seul le dialogue singulier avec le patient peut lui dicter son attitude. Il ne faut pas tout dire, et en tout cas ne pas tout dire tout de suite. Il faut prendre le temps, accompagner les patients et leurs familles, savoir ce qui compte vraiment pour eux, ce qu'ils n'ont pas envie de savoir.

 

Quelques réflexions : les obstacles financiers

 

On connaît maintenant le gène de la NEPHRONOPHTISE, on connaît le gène de la POLYKYSTOSE RENALE, on connaît les gènes du SYNDROME D'ALPORT. Et pourtant beaucoup d'entre vous ne parviennent pas à avoir des réponses aux questions qu'ils se posent : "Suis-je ou non porteur(se) du gène de la maladie ? Mon fils, ma fille sont-ils porteurs ? Quel est leur risque ? Quel est le mode de transmission dans la famille ? "Il ne s'agit plus là de Recherche financée par les ORGANISMES DE RECHERCHE. Il s'agit de diagnostic qui doit être financé par L'HOPITAL. Mais, et c'est un dysfonctionnement de notre société, il y a un fossé entre la RECHERCHE SCIENTIFIQUE et L'ACTIVITE HOSPITALIERE de diagnostics. Les ORGANISMES DE RECHERCHE considèrent qu'il n'est pas de leur mission de financer le diagnostic. Et les HOPITAUX considèrent que les diagnostics de maladies génétiques rares sont au-delà de leurs possibilités de financement.

Nous avons connaissance d'un grand nombre de situations douloureuses : des parents, des patients empêchés de consulter dans le centre de référence qui les aiderait à faire un diagnostic, soit parce qu'il existe des règles administratives coercitives, soit parce que la Sécurité sociale ne rembourse pas le déplacement ou ne rembourse pas les actes (les actes de Génétique moléculaire qui permettent de faire le diagnostic des maladies héréditaires ne sont pas à la nomenclature des actes de biologie médicale). Dans la grande majorité des cas, nous n'avons pas, dans nos services hospitaliers, les moyens en équipement et en personnel pour répondre à vos questions. Il est vrai que, dans beaucoup de cas, le médecin peut traiter le patient sans savoir où est la mutation. Mais dans d'autres cas, cette connaissance est indispensable.
Les budgets globaux sont ridicules dans les HôPITAUX. Mon service, le service de Génétique Médicale de l'hôpital Necker - Enfants malades, reçoit 20.000 francs par mois pour faire les tests génétiques chez les 5.000 consultants de l'hôpital. 240.000 francs par an ! Nous dépendons par conséquent soit des ORGANISMES DE RECHERCHE mis à contribution alors qu'il ne s'agit plus de recherche, soit des ASSOCIATIONS CARITATIVES. Je rappelle que l'AFM (ASSOCIATION FRAN�AISE CONTRE LES MYOPATHIES) a joué un rôle de premier plan dans les progrès sur la cartographie des gènes, a apporté un financement très important à de nombreux groupes, aussi bien aux groupes travaillant sur les maladies neuromusculaires, qu'aux groupes travaillant sur d'autres maladies. Pas loin de 60 % de notre budget de fonctionnement dans notre laboratoire, permettant de répondre à vos questions légitimes, provient de la charité, de la "biomendicité ".

Les maladies génétiques ne constituent pas une grande maladie comme le SIDA. En réalité, il y a 30.000 naissances chaque année en France, qui se répartissent en 5.000 maladies différentes. Le fait qu'il y ait ce grand nombre de maladies peu fréquentes affaiblit considérablement leur impact dans la société. Il est de votre responsabilité, il est de votre intérêt, vous l'AIRG, une ASSOCIATION DE PATIENTS, de rejoindre d'autres associations, comme L'ALLIANCE DES MALADIES RARES qui ont les mêmes problèmes de diagnostic, de prévention pour faire pression auprès des POUVOIRS PUBLICS pour que cette situation change.

 

DISCUSSION

Que dire à un sujet de 20 à 30 ans chez qui des kystes rénaux ont été détectés ? Que lui dire des perspectives thérapeutiques, de la thérapie génique dont on parle tellement ? Peut-on lui dire qu'un jour, il y aura une possibilité de traiter, non les effets de la maladie, mais la maladie ? Peut-on lui donner un espoir pour son avenir à moyen terme ?


Pr. Arnold Munnich. Nous savons que, dans la POLYKYSTOSE RENALE DOMINANTE AUTOSOMIQUE, les kystes se forment très précocement, et qu'une fois les kystes constitués, il est difficile de faire "tourner les aiguilles à l'envers".


Dr Marie-Claire Gubler. En utilisant certains modèles animaux (une maladie kystique autosomique récessive chez la souris), les chercheurs commencent à prévenir le développement des kystes. Mais ce ne sont encore que des essais préliminaires.


Pr. Jean-Pierre Gr�nfeld. Nous sommes nombreux à penser que la première étape du traitement ne sera pas de la thérapie génique. Changer les gènes dans le rein n'est pas le premier objectif. Le premier objectif est de trouver des moyens pharmacologiques pour éviter que les kystes ne grossissent. Et lorsque nous aurons compris les mécanismes de l'augmentation de volume des kystes, on pourra empêcher la progression de la maladie. Quand ? Il est difficile de répondre.


J'ai été victime d'une rupture d'anévrisme. Je n'ai pas compris quels étaient les liens entre la POLYKYSTOSE RENALE DOMINANTE AUTOSOMIQUE et ces anévrismes.


Pr. Jean-Pierre Gr�nfeld. Soyons honnêtes. Nous ne comprenons pas quel mécanisme relie la formation des kystes dans le rein et dans le foie d'une part, et la formation d'anévrismes intracr�niens d'autre part.
Ces anévrismes touchent un petit nombre de patients. Gr�ce aux progrès de la radiologie, il devient possible de les détecter avant la rupture dans des familles à risque et les traiter.


Comment s'organisent les consultations multidisciplinaires réunissant néphrologues, cardiologues, généticiens... d'un côté et patients et leurs familles de l'autre côté ? Comment gérer cette complexité ?


Pr. Arnold Munnich. C'est là une question essentielle pour le patient. Il faut qu'il ait un dialogue collectif avec les professionnels.
Il est très difficile pour les parents d'avoir à la fois le point du vue du spécialiste d'organes et le point de vue du généticien, d'autant que ces points de vue peuvent être différents. Par conséquent, l'exigence de qualité de soins passe par l'exigence de "staffs" pluridisciplinaires.


A mon avis, cette pluridisciplinarité doit aller jusqu'à la consultation avec le patient. Nous avons organisé pour les patients des consultations en binôme, c'est-à-dire comprenant le spécialiste d'organes et le généticien ; parfois, il s'agit de trinôme, parce que nous avons aussi un psychologue. Pourquoi un psychologue ? Parce qu'une maladie génétique, c'est un séisme qui touche plus qu'un individu, qui touche toute une famille. La consultation de Génétique peut prendre des heures : le temps de la narration, le temps de la révolte, le temps des larmes, le temps de la résignation...


Les patients comprennent bien l'intérêt de cette pluridisciplinarité. Je crois même qu'ils sont sensibles à cette multiple écoute. Il nous faut promouvoir ces consultations pluridisciplinaires dans les centres de références.


Dans vos recherches sur les gènes, restez-vous ciblé sur une pathologie particulière ou travaillez-vous sur plusieurs pathologies ?


Pr. Arnold Munnich. Depuis quelques années, nous avons formé un Consortium nous permettant d'étudier des maladies différentes avec des méthodes similaires, et nous joignons nos forces. Dans une même série d'expériences, nous incluons une cohorte de malades atteints de maladies rénales, une cohorte de patients atteints de maladies oculaires, etc. Tous les prélèvements sont étudiés ensemble. Bien que les pathologies soient différentes, les approches technologiques sont les mêmes.


Dans l'avenir, pourra-t-on avec une prise de sang, détecter une série de pathologies chez un seul individu ?


Pr. Arnold Munnich. La médecine prédictive a fait rêver ! Mais elle est un peu décevante.
Nous sommes tous porteurs d'un grand nombre (25, 30 ?) de gènes de maladies sans le savoir. Plusieurs situations sont possibles. Le fait d'avoir hérité d'un caractère génétique anormal sur un chromosome peut ne pas avoir d'importance si, sur l'autre chromosome de la paire, le caractère génétique est normal. Nous pouvons aussi avoir les 2 gènes d'une maladie, mais ne pas l'exprimer. Nous pouvons aussi être porteurs de gènes, qui pourraient être délétères, mais ne le sont pas dans l'environnement qui est le nôtre. Il est essentiel d'être attentif aux symptômes. Mais, en l'absence de symptômes, le généticien se doit d'être prudent, car il pourrait découvrir des anomalies génétiques qui n'auront jamais de manifestations cliniques.
La Génétique doit être appliquée dans l'intérêt du patient. Mais elle est parfois pratiquée par des personnes qui ne se recommandent pas des valeurs universelles de la médecine. J'ai peur de ces scientifiques qui font de la Génétique médicale. Combien de patients, combien de parents ont été démolis par un coup de téléphone, par une lettre donnant un résultat brut, sans explications ? Combien de parents ont été brisés par une information mal comprise ou par une information vraie mais "balancée" avec tellement de violence, hors de la pratique médicale ?

 

 

En tant que patient atteint d'une maladie génétique, que peut-on attendre de la lecture du génome ?


Pr. Arnold Munnich. En tant qu'individu, rien.


La séquence publiée sur le Net ne vous apportera rien sur la nature de votre anomalie à vous. Il faut comprendre qu'on a séquencé, de par le monde, les 3 milliards de paires de bases d'un individu unique. Il ne faut pas s'imaginer que cette connaissance sur un individu donne des informations sur le patrimoine de chacun d'entre nous. Cette information ne nous apprend rien sur notre constitution individuelle, et de surcroît cette information ne nous dit pas comment le génome est lu.


Pour moi, le vrai défi n'est pas de connaître l'enchaînement des nucléotides, mais de savoir quand et comment il est exprimé au cours du développement et dans les différents organes.


Pour vous patients, est-ce intéressant de savoir comment un gène est exprimé au cours du développement ? Oui. Dans une maladie, L'AMYOTROPHIE SPINALE, nous avons privilégié une approche thérapeutique. Plutôt que de faire de la thérapie génique, trop compliquée, nous avons tenté de "réveiller un gène dormant", gène situé à côté du gène malade, avec un médicament. Ce gène dormant est un peu différent du gène malade. Mais par ses points communs, ne pourrait-il le remplacer et pallier une partie de la fonction déficiente.


Connaître les modalités de lecture différentes du génome permettra de suggérer des approches thérapeutiques comme celle de vouloir faire réexprimer (réveiller) avec un médicament des gènes voisins, de la même famille. Ce choix n'est pas complètement fou !
En voici un autre exemple. Il y a quelque temps, on s'est intéressé à l'utilisation de colchicine, un médicament bien connu contre la goutte, pour traiter la MUCOVISCIDOSE (maladie respiratoire). On s'était aperçu que le gène responsable appartenait à une famille de gènes, dont certains pourraient être "réveillés" par des médicaments anti-goutte. Les cliniciens ont alors noté que l'état de santé de certains enfants recevant la colchicine s'améliorait.


C'est une approche qu'il ne faut pas négliger. "Ne mettons pas tous nos oufs dans le même panier". La thérapie génique, c'est bien dans certains cas. Nous venons d'assister au succès du traitement des déficits immunitaires par la thérapie génique. Mais ne soyons pas les otages d'une idéologie, même si c'est la thérapie génique. Des découvertes majeures peuvent être les retombées accidentelles de recherches qui, jamais, n'auraient été financées par un ORGANISME DE RECHERCHES soucieux d'une recherche finalisée. D'observations fortuites peuvent naître des découvertes extraordinaires (les pleurs de la technicienne de Fleming ont fait découvrir les antibiotiques !). L'observation attentive d'un patient peut donner une idée qui va sauver d'autres patients. La nature se joue de nous. Il faut laisser l'imagination, la chance faire son ouvre !



Textes rédigés par le Pr. Arnold Munnich, Service de Génétiques. Hôpital Necker-Enfants malades. Paris

 

 

 
     
     

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