Peut-on pratiquer un sport lorsqu'on est insuffisant rénal chronique, dialysé ou transplanté ?
 

Adaptation rénale à l'effort
Activité physique - tolérance à l'exercice - chez le patient dialysé
Activité physique chez le patient transplanté rénal
Conditions préalables à la reprise du sport
Quel type de sport pratiquer ?
Cas particulier du patient ayant une hypertension artérielle
Qu'en est-il du sport en altitude ?
A qu'elle fréquence doit-être pratiqué le sport ?
A quelle intensité ?
Cas particulier des patients ayant une polykystose rénale

 

Introduction

 

Les bénéfices que procure une activité physique régulière se manifestent par une amélioration du bien-être, une réduction de l'incidence des maladies cardio-vasculaires et un allongement de l'espérance de vie.
Un programme d'exercice physique approprié est particulièrement recommandé en complément du traitement médicamenteux dans l'hypertension artérielle, la maladie coronarienne, le diabète de type II, l'obésité, l'ostéoporose, la dépression ...
L'entretien d'une condition physique de bon niveau par la pratique d'une activité physique régulière contribue donc autant à la qualité de la vie qu'à sa durée. Peu d'études ont cependant examiné les effets de l'activité physique chez les patients insuffisants rénaux. Qu'en savons-nous aujourd'hui ?
 

Adaptation rénale à l'effort

Lors d'exercices physiques intenses, le sang est drainé en priorité vers les muscles en activité. Ceci a pour conséquence de réduire le débit sanguin dans de nombreux organes, dont le rein : ainsi, le flux sanguin rénal peut être réduit de 3/4 lors d'efforts musculaires intenses.
On n'est donc pas étonné que la filtration glomérulaire, et donc le débit urinaire, diminuent dans ces conditions. Il est en outre habituel qu'une protéinurie apparaisse dans le décours d'un exercice physique important ; cette protéinurie est transitoire et disparaît dans les heures qui suivent l'arrêt de l'exercice. Ces petites modifications transitoires n'ont pas d'impact à long terme sur la fonction rénale.
Il en va de même chez les patients en insuffisance rénale chronique : lors d'exercices physiques importants, une augmentation de la protéinurie et une réduction du débit urinaire surviennent.
Comme il existe de plus une diminution du pouvoir de concentration des urines chez ces patients, il faut leur conseiller de bien s'hydrater avant, pendant et après l'exercice (ce qui veut dire un apport en eau et en sel suffisant pour que le poids soit comparable avant et quelques heures après l'effort physique).
La pratique d'une activité physique reste conseillée chez les patients insuffisants rénaux chroniques en raison des multiples bénéfices qu'elle procure, d'autant que des investigations réalisées chez l'animal per-mettent d'affirmer que l'exercice physique intense n'aggrave pas le déficit rénal préexistant malgré les modifications aiguës décrites ci-dessus.

 

Activité physique - tolérance à l'exercice - chez le patient dialysé

L'anémie, habituelle chez le patient dialysé, réduit le niveau de performance physique. Sa correction par la prescription d'érythro-poïétine entraîne une amélioration de la tolérance à l'exercice par une augmentation du transport d'oxygène tissulaire et du débit cardiaque. Ainsi, la combinaison d'un traitement par érythropoïétine et d'un entraînement physique régulier permet à certains sujets dialysés d'arriver à un niveau de capacité physique analogue à celui de sujets du même �ge qui ont une fonction rénale normale.
Une réduction de la masse musculaire est fréquente chez le patient dialysé. Elle est due à un apport alimentaire insuffisant en protéines et à une augmentation de la destruction des protéines musculaires. Il convient dès lors que les patients dialysés (qu'ils désirent faire du sport ou non d'ailleurs !), aient un apport quotidien suffisant en protéines, de l'ordre de 1 gramme par kilogramme de poids par jour.
Chez le patient traité par dialyse péritonéale, la cavité péritonéale doit être draînée avant l'exercice sportif, afin d'éviter l'apparition d'hernie inguinale ou ombilicale résultant de l'augmentation de la pression intrapéritonéale.
Les études portant sur les effets d'un exercice physique régulier pratiqué par des patients dialysés mettent en évidence une amélioration de la capacité physique, ainsi qu'une amélioration du profil des lipides (diminution du taux de triglycérides, augmentation du taux de HDL-cholestérol, et de la tolérance au glucose).
La pratique d'une activité physique chez le patient dialysé doit donc être encouragée.

Activité physique chez le patient transplanté rénal

 


Nous avons observé qu'un certain nombre de patients greffés (jusqu'à 10%) présentent, dans les premiers mois suivant la transplantation, des douleurs articulaires, parfois très invalidantes, touchant essentiellement les genoux et les chevilles. Un examen de ces articulations par résonance magnétique montre qu'elles sont le siège de micro-fractures. Il s'avère que, très souvent, ces patients ont repris, rapidement après la greffe, une activité physique beaucoup plus intense que celle qu'ils avaient étant dialysés. Sans doute, la sensation de mieux-être accompagnant une greffe réussie, jointe à l'effet euphorisant des corticoïdes y contribue-t-elle.
Cette observation nous a en tout cas incité à conseiller au patient transplanté de reprendre la pratique d'un sport graduellement et avec modération.
Ceci dit, la pratique d'une activité physique régulière est vivement conseillée après la greffe. Elle contribue à prévenir l'apparition d'une surcharge pondérale et d'accidents cardio-vasculaires.

 

Conditions préalables à la reprise du sport


Le médecin ayant en charge un patient dialysé ou greffé désireux de reprendre une activité sportive s'assurera de l'absence de contre-indications d'ordre cardio-vasculaires (après l'�ge de 40 ans, surtout après une période de sédentarité prolongée, un électrocardiogramme d'effort est indispensable) et orthopédiques (ainsi, certaines altérations articulaires peuvent contre-indiquer la pratique du jogging).



Quel type de sport pratiquer ?

 

Les différentes activités sportives doivent être envisagées sous différents aspects: sollicitation cardiaque, contrainte mécanique sur les articulations et muscles, composante sociale et ludique, risque d'accident, aspect technique de la discipline...
Un exercice physique ne devrait augmenter que de 50 à 70% la performance cardiaque maximale. Des sports qui sollicitent la pompe cardiaque de façon exagérée (exemple: musculation avec lourde charge, haltérophilie) ou qui provoquent des poussées d'hypertension artérielle, sont à déconseiller. On leur préfèrera le vélo ou le jogging par exemple.
Il est également recommandé de choisir une activité qui permet, du moins au début, de rester parfaitement maître du niveau d'intensité. Ainsi les sports individuels (marche, natation, cyclisme) doivent être préférés aux sports collectifs, où trop souvent, le partenaire, voire l'adversaire, "impose le jeu".
Du point de vue locomoteur, il s'agit bien s�r de minimiser les contraintes et les risques d'accident. Les activités en décharge quasi totale (natation) ou partielle (cyclisme, aviron) sont les plus recommandées. Au cours des premiers mois suivant la transplantation rénale, il vaut mieux éviter le jogging qui entraîne un impact répétitif au niveau des articulations des membres inférieurs.
A ceux qui, au-delà du troisième mois après la greffe, désirent pratiquer le jogging, on conseillera au préalable de se remettre en condition par une autre activité moins aggressive (marche rapide...). L'alternance de marche et de courtes périodes de jogging est également une bonne solution.
Remarque concernant la natation : au cours des premiers mois suivant la transplantation, il est déconseillé de pratiquer la natation en bassin public en raison de la vulnérabilité aux infections due aux doses élevées de médicaments immunosuppresseurs; au-delà du 6e mois, le risque infectieux devient beaucoup plus faible.



Cas particulier du patient ayant une hypertension artérielle



Pendant l'effort physique, une augmentation modérée de la pression artérielle peut survenir alors qu'une pratique sportive régulière permet une amélioration du profil tensionnel.
Le patient hypertendu qui désire pratiquer une sport doit privilégier des sports dynamiques (natation, vélo, marche) avec une intensité modérée (ne pas dépasser 50 à 60% de la capacité physique maximale).
L'équilibre tensionnel devrait toujours être recherché avant d'envisager la pratique du sport. Le patient modéremment hypertendu, à qui un régime sans sel a été prescrit, risque de se déhydrater lors de la pratique intense d'un sport. La prescription d'un régime à 6 grammes de sel (NaCl) par jour semble raisonnable chez un patient hypertendu qui désire pratiquer des exercices physiques réguliers.
Certains médicaments antihypertenseurs sont ennuyeux dans la pratique d'une activité sportive régulière chez un patient qui veut obtenir un bon niveau sportif. Les beta-bloquants limitent la performance physique, les diurétiques risquent d'entraîner un déshydratation et les alpha-bloquants peuvent provoquer une hypotension orthostatique avant et après l'activité physique.
Seuls les inhibiteurs de l'enzyme de conversion et les anti-calciques sont dénués d'effets délètères. Il apparaît dès lors primordial que le patient consulte son médecin avant la reprise d'une activité physique importante, surtout si l'hypertension artérielle est sévère et si le patient souhaire retrouver un bon niveau sportif.



Qu'en est-il du sport en altitude ?

La randonnée en montagne, sous 2.500 mètres d'altitude, peut être bénéfique pour les patients dialysés comme pour les patients transplantés pour autant qu'ils ne soient pas anémiques (hémoglobine inférieure à 11 g/dl).
En cas d'anémie, la marche en montagne est déconseillée en raison d'une oxugénation insuffisante des muscles et parfois de difficultés respiratoires.
Le ski de fond est un bon sport puisqu'il n'induit pas d'impact locomoteur. Cependant, il impose une contrainte cardiaque importante ... si bien qu'il ne peut être conseillé qu'aux patients ayant un entraîne-ment physique régulier.
Le ski alpin n'est pas contre-indiqué chez les patients qui ne sont pas anémiques, pour autant qu'ils aient gardé un niveau physique correct. Au cours des 6 premiers mois après la greffe, le ski est déconseillé à cause des contraintes imposées aux articulations des membres inférieurs.

A quelle fréquence doit être pratiqué le sport ?

 

La fréquence idéale théorique est de 3 séances par semaine (un jour sur deux) de 1/2 à 1 heure par séance en fonction de l'intensité de l'activité choisie. Moins est cependant toujours mieux que rien !

 

A quelle intensité ?

L'intensité optimale doit être ressentie par le nouveau sportif comme "légère" à "modérée" au début, et comme "modérée" à "un peu plus dure" après quelques séances, voire semaines d'entraînement. Si tout se passe bien et qu'une bonne condition physique est retrouvée, il n'est pas dangereux d'intensifier les exercices.

 

 

Le sport de compétition

Le sportif qui pratiquait un sport de haut niveau avant l'insuffisance rénale peut évidemment reprendre son activité physique en dialyse ou après la greffe rénale, selon les principes de prudence énoncés ci-dessus. Le danger est de vouloir trop vite revenir au niveau antérieur ; il convient desuivre un programme de progressivité idéalement établi par un médecin du sport.

 

 

Cas particulier des patients ayant une polykystose rénale

 

Les activités physiques qui seraient responsables de choc sur l'abdomen ou d'une augmentation de la pression intraabdominale peuvent entraîner un saignement dans les kystes, principalement chez les patients dont les reins sont volumineux.
Il vaut mieux dès lors éviter des sports de combat (boxe ou judo), de contact (rugby ou football) et ceux où il y risque de chute (parachute !).

 

 

Conclusions

 

Au total, la pratique régulière d'un sport est encouragée chez tout patient dialysé ou greffé. Il vaut mieux choisir un sport d'endurance que des efforts brefs et intenses.
Un avis préalable du médecin qui suit le patient est recommandé et les conseils d'un entraîneur qualifié sont les bienvenus. Après une longue période de sédentarité, la reprise d'un sport doit toujours se faire très progressivement.
Enfin, l'objectif est moins de faire une performance que de contribuer au bien-être et à la santé. Mens sana in corpore sano !

 

Sources : Dr; Eric Goffin (service de nephrologie), prof henri Nielens (service de medecine physique). Hopital St Luc, Université Catholique de louvain, Bruxelles, Belgique

 
     
     

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