Réflexion sur la qualité de vie d'un enfant.
 

Est-il possible d'évaluer la qualité de vie chez un enfant ?
La qualité de vie de l'enfant atteint de maladie rénale chronique
La qualité de vie de l'enfant atteint de maladie héréditaire
Il faut réfléchir à la qualité de vie de l'enfant avant sa naisance
En conclusion

 

Introduction

Pour un enfant, la qualité de vie, c'est avant tout être et faire "comme les autres". Evidemment, ceci ne peut s'appliquer aux jeunes enfants et aux nourrissons, pour lesquels la notion de qualité de vie est généralement confondue avec celle des parents.

 

 

Est-il possible d'évaluer la qualité de vie chez un enfant ?

La qualité de vie est un concept relativement subjectif que plusieurs équipes de recherche, dans le domaine de la psychologie ou de la sociologie, ont cherché à évaluer. Cette subjectivité explique que les échelles de qualité de vie soient nombreuses et ne s'accordent pas toujours sur la segmentation des tranches d'�ge. Il est en effet inconcevable de proposer une même échelle de qualité de vie pour un nourrisson ou pour un adolescent. Dans tous les cas, ces échelles tiennent compte du vécu de l'enfant (lorsqu'il peut s'exprimer), mais aussi de l'entourage, parents, fratrie, équipe soignante...
Certains renseignements peuvent être obtenus directement de l'enfant dès l'�ge de 3 ans. On utilise pour cela des dessins simplifiés de visages auxquels l'enfant peut s'identifier. Chaque page comporte une question lue et posée par un adulte, mais aussi 5 visages d'enfants: l'un qui sourit franchement, l'autre qui sourit un peu moins, un autre qui traduit l'indifférence, puis un qui est un peu triste, et un dernier franchement mécontent. L'interrogatoire prend ainsi un côté ludique qui plaît généralement à l'enfant. Plusieurs questions sont ainsi posées (par exemple : "lorsque tu es avec tes copains, tu te sens ..." , ou bien "lorsqu'on parle de ta maladie, tu es ...", ou encore "lorsque tu te regardes dans une glace, tu te trouves ...". Chez l'enfant plus grand, des questions comparables sont posées avec un langage adapté à l'�ge. Mais en fait les points que l'on cherche à évaluer sont les mêmes.
Non seulement la qualité de vie de l'enfant est compromise, mais également celle des autres membres de la famille. Il est indispensable d'évaluer l'influence de la maladie de l'enfant sur l'équilibre familial, afin de faire la part de culpabilité parfois ressentie par les parents, de mettre en évidence un désintérêt relatif des parents pour les enfants qui ne sont pas malades, etc. Nous savons combien il est difficile d'accepter la maladie d'un enfant, surtout lorsqu'elle est chronique et lorsqu'elle est héréditaire. Il n'est pas rare de voir apparaître une dépression sévère chez un parent (voire un frère ou un sour), de voir un couple se séparer à l'annonce d'une maladie grave, etc.
Il convient de préciser que le poids que l'on donne à tel ou tel constituant de la qualité de vie varie du tout au tout entre l'enfance, l'adolescence et l'�ge adulte. Il faut absolument se garder de projeter sur les enfants ce qui affecte la qualité de vie de l'adulte, et vice-versa.
Ce concept de qualité de vie fait partie de la médecine moderne et de plus en plus souvent des choix médicaux. Citons comme exemples l'érythropoïétine qui corrige l'anémie et l'hormone de croissance qui corrige le retard de taille. Le concept est maintenant systématiquement intégré aux essais cliniques, et les comités d'Ethique en font un critère essentiel lorsque l'on soumet un nouveau protocole diagnostique ou thérapeutique. De même, il est intégré aux projets hospitaliers et à la pratique quotidienne de la médecine libérale.

 

 

La qualité de vie de l'enfant atteint de maladie rénale chronique

La qualité de vie d'un enfant est compromise dans toutes les maladies chroniques, et par conséquent dans les maladies rénales, en particulier les maladies rénales héréditaires.
Elle est compromise pour plusieurs raisons :

1� par les manifestations rénales,
2� par les atteintes d'autres organes que le rein, et
3� par le caractère familial de ces maladies.

Prenons l'exemple de l'enfant dialysé. En un an, chaque enfant passe 600 heures à l'hôpital pour les séances d'hémodialyse, subit plus de 300 ponctions veineuses, ingère plus d'un kilogramme de carbonate de calcium et plus de sept kilogrammes de Kayexalate ! Il passe en moyenne 80 heures en VSL ou en taxi. Et en plus, il a droit à des remarques désagréables lorsqu'il a pris trop de poids ou lorsqu'il a "oublié" 500 milligrammes de carbonate de calcium ! Tout ceci en accumulant le retard scolaire, en ne jouant pas au football, ou en ne partant pas en vacances. On ne peut qu'admirer ces enfants qui gardent le sourire et remontent le moral de leurs parents !
En dialyse péritonéale, les contraintes médicamenteuses et alimentaires sont comparables. De plus l'image corporelle est altérée par la présence du cathéter, ce qui est souvent aussi mal vécu par l'enfant (lorsqu'il est en �ge de s'en rendre compte) que par les parents.
Toutes ces raisons incitent à proposer la transplantation avant le stade de dialyse, souhaitable dans tous les cas, mais certainement avec prédilection chez l'enfant. Même s'il est illusoire de penser que la transplantation donne accès à une vie normale, elle améliore considérablement la qualité de vie. Les contraintes médicales sont moindres et les conditions physiques sont meilleures. La croissance est optimisée et l'alimentation est plus souple. Cependant, les médicaments ont volontiers des effets indésirables esthétiques dont les conséquences peuvent être f�cheuses. Pouvant altérer l'image corporelle, elles peuvent entraîner un état dépressif, une prise des médicaments douteuse, une mauvaise intégration scolaire et sociale, etc. Des aménagements sont possibles, en limitant au maximum le nombre de médicaments, en favorisant un suivi médical de proximité, en créant des réseaux avec le médecin traitant ou les hôpitaux généraux, en prenant en compte l'arrivée de nouveaux produits immunosuppresseurs, etc.
Outre les problèmes communs à toutes les insuffisances rénales chroniques ou terminales, il faut citer les handicaps que l'on peut observer dans certaines maladies et qui compromettent la qualité de vie : com-plications oculaires dans la néphronophtise ou la cystinose, baisse de l'audition dans le syndrome d'Alport, retard de taille parfois majeur dans la cystinose, la néphronophtise, ou les tubulopathies, phénomènes douloureux dans la maladie de Fabry ou l'oxalose, calculs rénaux à répétition dans l'oxalose ou la cystinurie, nécessité d'une alimentation par cathéter dans les syndromes néphrotiques congénitaux, etc.


La qualité de vie de l'enfant atteint de maladie héréditaire

 

 

L'altération de la qualité de vie est différente d'une maladie à l'autre. Prenons l'exemple de la polykystose rénale. Dans la forme récessive, la qualité de vie peut être compromise dès l'�ge pédiatrique. En effet, le volume des reins (et parfois du foie) peut entraîner une gêne.
En revanche, dans la polykystose rénale autosomique dominante, la qualité de vie des enfants est rarement altérée par l'atteinte rénale ou hépatique, car l'augmentation du volume des reins et du foie ne survient habituellement qu'à l'�ge adulte. Mais la qualité de vie peut être pénalisée par la place qu'occupe la maladie dans la famille. En effet, la maladie des autres membres de la famille est souvent cachée, ce qui peut entraîner des interrogations susceptibles de perturber le développement de l'enfant, notamment à des périodes charnière comme l'adolescence. Il est difficile de quitter certains tabous et c'est le rôle des médecins et des associations d'apporter aux enfants l'information que les parents ne souhaitent pas donner. Les enfants peuvent parfaitement comprendre que les parents ne donnent pas toutes les explications, mais ils ne comprennent pas qu'on ne leur donne pas l'opportunité de les obtenir.


Il faut réfléchir à la qualité de vie de l'enfant avant sa naissance


Maintenant, beaucoup de maladies héréditaires peuvent être diagnostiquées chez le fotus. Le diagnostic ne pouvant qu'être positif ou négatif, le risque est de générer rejet ou compassion à l'égard du nouveau-né atteint ou, à l'inverse, surinvestissement d'un enfant sain. En fait, aucune réaction n'est prévisible et il est extrêmement difficile de conseiller les familles dans ce domaine.
La qualité de vie de l'enfant qui vient au monde repose, dès ce stade, sur les explications données aux parents, et parfois à d'autres membres de la famille (grands-parents, frères et sours). Dans certaines situations qu'il faut évoquer, comme les malformations graves de l'appareil urinaire, l'interruption médicale de grossesse met à l'abri d'un acharnement thérapeutique dans les premiers jours de vie. Mais les cas "limites" sont nombreux et, parmi les arguments de l'option thérapeutique qui sera proposée, l'évaluation de la qualité de vie prévisible est essentielle mais très délicate.
Dans une telle décision, la composante "technique" de la médecine doit être reléguée au second plan. En effet, à l'aube de l'an 2000, il n'existe que peu de limites techniques, tant en ce qui concerne la dialyse que la transplantation. Mais nous savons que la notion d'avenir d'un enfant qui naît avec une insuffisance rénale est différente de celle d'un enfant normal ! A t-on le droit d'imposer la souffrance morale (et parfois physique) ? A-t-on le droit de faire courir le risque d'un retard psychomoteur ou staturo-pondéral ? A-t-on le droit d'imposer d'innombrables examens biologiques ou radiologiques ? A-t-on le droit de compromettre l'équilibre d'une fratrie ? A-t-on le droit de décider à la place d'un fotus ? Si oui, qui en a le droit ? Quel raisonnement doit-on privilégier: l'irrationnel affectif des parents ou le rationnel du médecin ?
Personne ne peut répondre, mais les explications sont malgré tout fondamentales, surtout lorsqu'elles sont précoces et progressives. Elles permettent aux parents de prendre du recul, de préparer les questions nécessaires, de se renseigner auprès d'autres intervenants que les médecins, etc. Elles permettent aussi au médecin de prendre du recul, car il apprendra au fil du temps à mieux connaître le couple, à mieux cerner les problèmes qui peuvent devenir déterminants, et ainsi à mieux conseiller sans jamais se substituer aux parents dans les choix qui leur incombent.
Ainsi la qualité de la vie commence avec la vie, et donc avant la naissance.



En conclusion

 


la qualité de vie fait partie intégrante de la médecine d'aujourd'hui et, comme la pharmacologie ou la radiologie, c'est une discipline transversale, c'est-à-dire qu'elle concerne toutes les spécialités médicales. Mais, paradoxalement, c'est une discipline nouvelle, qui est en train de trouver son identité. Cette évaluation est de mieux en mieux connue et, depuis environ 10 ans, elle est devenu un critère essentiel dans la prise en charge des maladies. Ce retard s'explique surtout par le fait que les progrès de la médecine se sont jusque-là focalisés sur la notion de survie. Cette étape n'est malheureusement pas totalement franchie, mais suffisamment cependant pour laisser une large place à la qualité de vie, à laquelle chacun a droit.

 

Sources: Pr Pierre Cochat, departement de pediatrie, hopital Edouard Herriot et université Claude Bernard, Lyon.





 
     
     

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