Lithiase rénale (ou calcul) héréditaire
 

Pr P. Jungers. Néphrologie, Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris.



Introduction
Comment suspecter l'origine génétique d'une lithiase ?

Quelles sont les principales formes de lithiases familiales ?
A. Lithiases héréditaires
B. Lithiases associées à des maladies héréditaires
C. Lithiases familiales
Conseil génétique et prévention dans les lithiases héréditaires
Quelques explications

 

Introduction

Le terme de lithiase rénale désigne la maladie caractérisée par la formation de calculs dans les reins.

La lithiase rénale est devenue très fréquente dans les pays occidentaux, en parallèle avec l'élévation du niveau de vie et avec les modifications des habitudes alimentaires qui en résultent. Il est donc certain que les facteurs d'environnement jouent un rôle majeur à l'origine de la lithiase rénale, notamment de la lithiase oxalo-calcique (c'est-à-dire dont les calculs sont faits d'oxalate de calcium) qui est devenue la forme prépondérante dans les pays industrialisés depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Toutefois, les facteurs génétiques jouent également un rôle important, et il existe plusieurs formes de lithiase d'origine héréditaire où l'anomalie génétique est la cause directe de la formation des calculs.


Comment suspecter l'origine génétique d'une lithiase ?


Comme on peut s'y attendre, les lithiases d'origine génétique sont plus fréquentes chez l'enfant que chez l'adulte. Chez l'enfant, elles représentent jusqu'à 30 % du total des cas, contre à peine 2 % chez l'adulte. En effet, le trouble métabolique qui résulte de l'anomalie génétique existe à la naissance si bien que la formation des calculs commence dès l'enfance. A l'inverse, les lithiases liées au déséquilibre de l'alimentation n'apparaissent le plus souvent qu'à l'âge adulte, à partir de la quarantaine.

Il est très important de faire le plus tôt possible le diagnostic de lithiase de cause génétique, car nous disposons à l'heure actuelle de moyens d'enrayer la formation des calculs dans la plupart des lithiases héréditaires. Les principaux éléments qui orientent vers une maladie héréditaire responsable de lithiase sont les suivants d'après le Professeur Pierre Cochat (Néphrologie pédiatrique, Hôpital Edouard Herriot, Lyon) :
Début précoce de la lithiase, dans l'enfance.
Consanguinité des parents (suggérant une maladie à transmission autosomique réces-sive).
Antécédents familiaux de lithiase chez les ascendants (suggérant une transmission autosomique dominante) ou dans la fratrie (frères, sœurs) ou chez les cousins germains (suggérant une transmission autosomique récessive).
Calculs bilatéraux, multiples, récidivants.
Association à une néphrocalcinose (présence de calcifications dans le tissu rénal).
Signes cliniques traduisant une atteinte de fonction des tubules rénaux : polyurie (volume trop abondant des urines), polydipsie (soif anormale), petite taille pour l'âge.
Existence d'une insuffisance rénale débutante.


Toute lithiase reconnue chez un enfant doit faire l'objet d'examens approfondis permettant de reconnaître sa nature chimique et sa cause, qui conditionnent les possibilités de traitement. Ces examens sont souvent complexes et nécessitent, en particulier, des moyens de laboratoire qui n'existent que dans les grands centres.
C'est dire qu'il est préférable que tout enfant atteint de lithiase puisse bénéficier des conseils et des soins d'une équipe de néphro-urologie pédiatrique compétente telle qu'il en existe dans la plupart des grands hôpitaux.

 

 

Quelles sont les principales formes de lithiases familiales ?

Il en existe trois types :
Les lithiases directement liées à une anomalie génique responsable de la formation de calculs. Leur transmission est le plus souvent autosomique récessive, ce qui explique qu'elles soient relativement rares.
Les lithiases compliquant une maladie génétique.
Les lithiases familiales sans transmission génétique démontrée, qui relèvent probablement d'habitudes alimentaires communes dans une même famille.


A l'heure actuelle, les gènes responsables de la plupart des maladies lithiasiques monogéniques, (c'est-à-dire dues à une anomalie portant sur un seul gène) ont été identifiées et leur mode d'action élucidé. Pour autant, la thérapie génique n'est encore qu'un espoir dont il est impossible de dire à quel moment il se réalisera, mais nous disposons déjà de traitements efficaces pour toutes ces maladies.

A. Lithiases héréditaires

Les principales formes de lithiases liées à une anomalie d'un seul gène, avec leur mode de transmission, sont résumées dans le tableau ci-dessous.

Modes de transmission des principales formes de lithiases héréditaires



Elles se traduisent par la formation de calculs de natures chimiques diverses, mais elles ont en commun de constituer une menace pour la fonction rénale, car ces lithiases sont volontiers bilatérales, récidivantes, responsables de nombreux épisodes d'obstruction des reins et certaines d'entre elles s'accompagnent de surcroît du dépôt de cristaux dans le tissu rénal.

1. Lithiases avec hyperoxalurie
L'hyperoxalurie primaire de type 1 (autrefois dénommée oxalose) est la plus sévère de toutes les formes de lithiase. Elle consiste en une erreur innée du métabolisme de l'oxalate, à transmission autosomique récessive, caractérisée par un déficit de l'activité de l'alanine-glyoxylate aminotransférase (AGT), enzyme produite par le foie (et non par les reins) et dont le co-enzyme est la vitamine B6.
L'union de 2 parents hétérozygotes transmettant mais non atteints de lithiase comporte un risque de 25 % pour chaque enfant de naître homozygote et atteint de la maladie. L'anomalie enzymatique entraîne l'accumulation d'oxalate, déchet très peu soluble, qui se dépose dans les reins et dans tous les organes sous forme d'amas d'oxalate de calcium et entraîne la formation de calculs multiples et récidivants. Il n'est pas encore possible d'agir sur l'anomalie du gène, mais dans près d'un tiers des cas un traitement précoce par la vitamine B6 (Pyridoxine®) à fortes doses, en détournant le métabolisme de l'oxalate vers le glycocolle (plus soluble), atténue considérablement l'expression de la maladie. Il est donc très important de tester l'effet de ce traitement qui, chez les sujets qui lui sont sensibles, évite le développement d'une insuffisance rénale. Dans les formes insensible à la Pyridoxine, les mesures préventives générales fondées sur l'hyperdiurèse (plus de 3 litres par jour ou plus de 2 litres par jour par mètre carré de surface corporelle chez l'enfant), la suppression des aliments riches en oxalate (chocolat), la prise de magnésium et de citrate de potassium (en l'absence d'insuffisance rénale) permettent de retarder l'insuffisance rénale. La double transplantation hépatique et rénale est le traitement optimal lorsque l'insuffisance rénale est parvenue au stade ultime. Une détection anténatale de l'anomalie enzymatique est aujourd'hui possible.

L'hyperoxalurie primaire de type 2 est due à un déficit enzymatique différent, à transmission autosomique récessive : elle est moins sévère que la précédente et l'évolution vers l'insuffisance rénale terminale est beaucoup plus rare.

Le diagnostic d'hyperoxalurie primaire est souvent orienté par l'analyse des calculs montrant un aspect très caractéristique qui traduit la concentration très élevée des urines en oxalate. Le diagnostic biochimique repose sur des dosages urinaires et plasmatiques de l'oxalate et de ses métabolites, et sur la biopsie du foie qui est souvent nécessaire pour préciser les indications d'une transplantation hépatique. C'est dire que les enfants (et les adultes) atteints de ce type de lithiase doivent impérativement être suivis par une équipe néphrologique spécialisée, disposant de tous les moyens de laboratoire nécessaires, ou du moins par une équipe médicale en relation étroite avec un service de référence.

2. Cystinurie
La cystinurie est une anomalie héréditaire, à transmission autosomique récessive, du transport rénal de la cystine. Le défaut de réabsorption par les cellules des tubules proximaux du rein entraîne une excrétion urinaire anormalement élevée de cystine, pouvant atteindre 600 à 1400 milligrammes par 24 heures chez les sujets homozygotes, alors que l'excrétion urinaire normale est inférieure à 50 milligrammes par 24 heures. La solubilité de la cystine ne dépassant pas 200 milligrammes par litre au pH habituel des urines, il en résulte la formation répétée de calculs de cystine.

Les calculs de cystine représentent environ 1 % des cas de lithiase chez l'adulte et près de 10 % chez l'enfant. La fréquence des sujets homozygotes est de l'ordre de 1 cas sur 20.000 naissances en France.

Il existe 3 types de cystinurie (types I, II, III), répondant à des anomalies portant sur des gènes différents. Les sujets hétérozygotes de type II ont une excrétion urinaire de cystine élevée (quoique moindre que celle des homozygotes) et peuvent être atteints de lithiase.

Les calculs de cystine sont faiblement transparents aux rayons X. Ils se fragmentent très mal par les ondes de choc, si bien que la lithotritie extracorporelle est souvent un échec et qu'il faut recourir à des interventions urologiques pour enlever les calculs obstructifs. Ces difficultés du traitement urologique montrent la nécessité d'un traitement médical régulier pour prévenir, ou du moins espacer, les récidives lithiasiques. Ce traitement est astreignant, mais il est indispensable pour éviter la formation répétée des calculs. Il repose sur une diurèse très abondante (au moins 3 litres par jour) et la prise d'alcalins (bicarbonate de sodium ou citrate de potassium) à la dose nécessaire pour amener le pH urinaire au voisinage de 7,5. En effet, la solubilité de la cystine n'augmente de manière sensible qu'à partir de ce niveau de pH. Une prise abondante de boisson alcaline (telle que l'eau de Vichy) au moment du coucher, et à l'occasion de tout réveil nocturne, est indispensable dans les cas les plus sévères car la concentration de la cystine dans l'urine est particulièrement élevée au cours de la nuit. Lorsque ces mesures ne suffisent pas à prévenir la formation de calculs, on leur adjoint la prise d'un médicament sulfhydrilé sous forme de D-pénicillamine (Trovolol®) ou de tiopronine (Acadione®) à la dose de 2 à 4 comprimés de l'un ou de l'autre par jour, la moitié de la dose étant prise au moment du coucher. Les médicaments ont la propriété de s'unir à la cystine pour former un disulfure mixte 50 fois plus soluble que la cystine elle-même. Ils exposent au risque d'accidents immuno-allergiques (tels que des éruptions cutanées) lorsqu'ils sont utilisés à posologie excessive. L'apparition d'une protéinurie de débit croissant, ou d'un syndrome néphrotique, doit faire interrompre la prise.

Comme dans le cas précédent, la complexité du traitement et la menace que constitue la lithiase cystinique pour la fonction rénale, justifient une prise en charge par une équipe multidisciplinaire disposant des moyens techniques et de l'expérience nécessaires.

3. Lithiase par anomalies du métabolisme des purines
Lithiase de 2,8-déhydroxyadénine (2,8-DHA)
La lithiase de 2,8-DHA est due à un déficit en adénine phosphoribosyl transférase (APRT) transmis selon le mode autosomique récessif. Les calculs s'associent à des dépôts de cristaux de 2,8-DHA dans le parenchyme rénal, pouvant conduire à une insuffisance rénale évolutive. Le diagnostic des calculs repose sur l'analyse en spectrophotométrie infrarouge, car ils sont confondus avec l'acide urique par les réactions chimiques usuelles. Cette confusion peut avoir des conséquences graves car, à la différence de l'acide urique, la solubilité de la 2,8-DHA n'est pas influencée par l'alcalinisation des urines, traitement de base de la lithiase urique. Ici, le seul traitement efficace est l'allopurinol (Zyloric®), qui détourne le métabolisme des purines vers des substances plus solubles que la 2,8-DHA. Ce traitement qui doit être poursuivi à vie, est indispensable pour éviter une évolution vers l'insuffisance rénale.

Lithiases par erreurs innées du métabolisme de l'acide urique
Ce sont des affections rares, dues à des ano-malies enzymatiques touchant différentes étapes du métabolisme des purines. Elles sont bien connues des pédiatres et se prêtent à un traitement palliatif efficace.

La plus sévère est le déficit en hypoxanthine guanine phosphoribosyl transférase (HGPRT). Du fait de sa transmission liée au chromosome X, il ne s'exprime que chez les garçons. Le déficit complet ou syndrome de Lesch-Nyhan se traduit par une production massive d'acide urique avec élévation considérable du taux de l'acide urique sanguin, goutte, formation de calculs, dépôt de cristaux d'acide urique dans le tissu rénal et troubles neuropsychiques. Le traitement repose sur l'allopurinol (Zyloric®), associé à une diurèse abondante et à l'alcalinisation des urines. Le diagnostic repose ici sur la mise en évidence du déficit enzymatique sur des cultures de fibroblastes, qui permet la détection des femmes hétérozygotes transmettrices.

Une autre variété de lithiase urique héréditaire liée au chromosome X est due à l'hyperactivité (et non au déficit) d'une enzyme, la phosphoribosyl pyrophosphate synthétase (PRPS). Elle répond également bien à l'allopurinol et à l'alcalinisation.

La lithiase xanthique est la conséquence de la xanthinurie, maladie à transmission autosomique récessive, résultant d'un déficit homozygote en xanthine-déhydrogénase. Ici, le taux de l'acide urique est anormalement bas dans le sang et dans les urines. Le traitement repose sur l'hyperdiurèse, l'alcalinisation des urines et un régime pauvre en purines.

4. Lithiases par anomalies tubulaires rénales
Les acidoses tubulaires distales congénitales
Ce sont des maladies dues à un défaut de la fonction d'acidification des urines. La forme la plus fréquente est à transmission autosomique dominante, mais il existe une forme associée à une surdité, à transmission autosomique récessive. Cette anomalie entraîne une hyper-calciurie, une hypocitraturie et des urines alcalines, ainsi qu'une hypokaliémie. Ces conditions expliquent la formation de calculs de phosphate de calcium et, souvent, d'une néphrocalcinose. Un traitement précoce et persévérant par alcalinisation permet d'éviter néphrocalcinose, retard de croissance et déminéralisation osseuse. Le rôle des parents est dont très important pour assurer la régularité du traitement pendant toute l'enfance.

La maladie de Dent, ou néphrolithiase récessive liée au chromosome X, atteint les hommes tandis que les femmes, transmettrices, sont indemnes ou peu touchées. Outre une lithiase phosphocalcique et une néphrocalcinose, cette anomalie peut conduire à l'insuffisance rénale.

5. Lithiases avec hypercalciurie
L'hypercalciurie idiopathique familiale se traduit par une élimination excessive du calcium dans les urines. Son mécanisme est encore mal connu : il fait intervenir, en proportions variées, une absorption exagérée du calcium par l'intestin et un défaut de réabsorption par les reins. Sa transmission est compatible avec un mode autosomique dominant. Toutefois, il est très probable qu'il s'agisse d'une hérédité polygénique, c'est-à-dire mettant en jeu des anomalies portant sur plusieurs gènes intervenant dans le métabolisme du calcium, et non un seul gène précis. Lorsque la calciurie est très élevée, elle entraîne la formation répétée de calculs d'oxalate de calcium, parfois dès l'enfance. Le traitement repose sur un apport calcique normalisé (ni insuffisant, ni excessif) et sur la dilution des urines par hyperdiurèse ; parfois l'utilisation d'un diurétique thiazidique (Esidrex®, Modurétil®) est nécessaire pour diminuer la fuite urinaire du calcium.

L'hypercalciurie idiopathique est l'anomalie biologique la plus fréquemment rencontrée chez les sujets atteints de lithiase oxalo-calcique récidivante, puisqu'elle est présente dans près de 50 % des cas.

Un syndrome rare associe hypercalciurie, hypomagnésémie et hypermagnésurie avec néphrocalcinose et évolution vers l'insuffisance rénale (hypomagnésémie familiale avec hypercalciurie).

 

B. Lithiases associées à des maladies héréditaires

Une lithiase calcique ou urique peut compliquer certaines maladies héréditaires, notamment celles entraînant une atteinte tubulaire.

La maladie de Cacchi et Ricci, caractérisée par la dilatation kystique des tubes collecteurs des reins, est une cause fréquente de lithiase calcique récidivante. Son mode de transmission est probablement autosomique dominante, mais il existe des formes rares à mode de transmission encore mal établi, associées à une hémihypertrophie corporelle ou à une fibrose hépatique congénitale. Les calculs se forment dans les parties dilatées des tubes collecteurs, lorsque les urines sont trop concentrées (diurèse insuffisante) ou lorsqu'il existe une hypercalciurie associée.

Le syndrome de Bartter, ou hypokaliémie familiale avec alcalose, peut s'accompagner d'une hypercalciurie génératrice de calculs. La gravité de la maladie tient ici à la difficulté de maintenir le taux de potassium sanguin à un niveau acceptable.

Le syndrome de Fanconi, caractérisé par un déficit complexe des fonctions de réabsorption du tube proximal, peut entraîner une lithiase phosphocalcique.

Le syndrome de Fanconi secondaire à une cystinose peut entraîner une lithiase urique du fait du défaut de réabsorption tubulaire de l'acide urique.

Il en est de même de certains types de glyco-génoses.

Dans la mucoviscidose, l'utilisation prolongée de traitements antibiotiques peut entraîner une modification de la flore intestinale, avec disparition d'une bactérie (oxalobacter formigenes) qui, normalement, dégrade l'oxalate présent dans la lumière intestinale. En son absence, l'absorption d'oxalate par le colon augmente, ce qui entraîne une hyperoxalurie, avec le risque de formation de calculs d'oxalate de calcium.

 

C. Lithiases familiales

Si les lithiase à transmission héréditaire sont toujours des lithiases familiales, l'inverse n'est pas nécessairement vrai. Cependant, on a observé, de longue date, que les membres de la famille d'un sujet lithiasique étaient souvent atteints d'une lithiase de même type, calcique ou urique, alors qu'il ne s'agit pas d'une lithiase à transmission génétique.

Il est probable que ces cas traduisent des habitudes alimentaires communes, plutôt qu'une lithiase réellement héréditaire. Toutefois, il est de bonne règle de toujours rechercher la possibilité d'une lithiase à transmission génétique lorsqu'il existe d'autres cas chez les ascendants ou dans la fratrie, surtout lorsque les calculs sont apparus dans l'enfance.


Conseil génétique et prévention dans les lithiases héréditaires

Dans les maladies lithiasiques héréditaires sévères, comme l'hyperoxalurie primaire, un conseil génétique est souhaitable pour permettre de planifier les grossesses ultérieures. En effet, un diagnostic prénatal est désormais possible dans l'hyperoxalurie primaire de type 1 où, compte tenu de la gravité de la maladie chez les sujets homozygotes, une interruption thérapeutique de grossesse peut-être légitimement discutée.

Chez les patients atteints de cystinurie homozygote, les enfants sont obligatoirement hétérozygotes. L'excrétion urinaire de cystine est élevée chez les hétérozygotes de type II. Il est donc essentiel de rechercher l'importance de l'aminoacidurie chez tous les enfants nés d'un parent cystinurique et de doser leur excrétion de cystine, de manière à instituer une hyperdiurèse et, si besoin, une alcalinisation des urines dès le jeune âge, lorsque le débit de cystinurie est élevé, de manière à prévenir la formation des calculs.

Chez les patients atteints de lithiase calcique avec hypercalciurie, il est souhaitable de doser la calciurie des 24 heures chez les autres membres de la famille, de manière à dépister une hypercalciurie latente et à lui opposer le mesures préventives nécessaires.

Les patients atteints de lithiase urique primitive ont souvent des membres de leur famille atteints de goutte, d'hyperuricémie ou de lithiase, avec des habitudes familiales d'alimentation trop riches en purines. Il est utile de mesurer le taux d'acide urique dans le sang et les urines, ainsi que le pH urinaire, chez les autres membres de la famille afin de définir les sujets à risque et de les faire bénéficier d'un réajustement alimentaire et, si besoin d'une alcalinisation des urines.

Une question souvent posée par les patients atteints de lithiase est de savoir s'ils doivent faire suivre un régime spécial à leurs enfants pour éviter qu'ils ne deviennent lithiasiques à leur tour. En dehors des cas de lithiase à transmission génétique établie où un traitement préventif spécifique doit être institué dès le plus jeune âge chez les sujets à risque, aucune restriction de régime ne doit être appliquée aux enfants, notamment aucune restriction de l'apport en calcium qui serait préjudiciable au cours de la période de croissance. En revanche, il est toujours utile d'informer le pédiatre ou le médecin généraliste de l'existence d'antécédents lithiasiques chez l'un des parents, de manière à lui permettre d'interpréter à bon escient les symptômes éventuellement présentés par l'enfant.

En conclusion, les maladies héréditaires responsables de lithiase rénale sont rares, mais doivent être connues, car ces lithiases sont souvent sévères, menacent la fonction rénale et exigent un traitement spécifique. Chez l'adulte, la lithiase est fréquente mais rarement due à une maladie héréditaire. En revanche, la lithiase est rare chez l'enfant, mais souvent liée à une maladie métabolique à transmission héréditaire.

Il faut toujours rechercher, de parti pris, une maladie métabolique héréditaire lorsque les calculs apparaissent dès le jeune âge. L'analyse adéquate des calculs (ou des cristaux urinaires), par examen morphologique couplé à la spectrophotométrie infrarouge, apporte une aide décisive au diagnostic et doit toujours être demandée aujourd'hui.

Les lithiases héréditaires sont souvent sévères et menaçantes pour la fonction rénale. Leur pronostic est conditionné par un diagnostic précoce et l'institution d'un traitement spécifique régulièrement suivi. Nous disposons aujourd'hui de moyens efficaces pour prévenir ou, du moins, limiter les conséquences des lithiases. Les meilleures chances sont ainsi données aux patients, et à leurs enfants, au prix d'une prise en charge par une équipe spécialisée.

 

Quelques explications

La base du traitement de toute lithiase est la dilution des solutés contenus dans les urines, grâce à l'augmentation de la diurèse (volume des urines par 24 heures). Chez tout sujet lithiasique, la diurèse doit être d'au moins 2 litres par 24 heures.
Dans certaines lithiases héréditaires particulièrement sévères (hyperoxalurie primaire, cystinurie), la diurèse doit être amenée à au moins 3 litres par 24 heures, ce qui correspond à une hyperdiurèse.
L'augmentation de la diurèse est obtenue par l'augmentation de la consommation de boissons à 2 litres, voire 3 litres par jour (il faut compenser les pertes par transpiration). Les boissons doivent être prises à intervalles réguliers dans la journée, plus une prise au moment du coucher et à l'occasion de tout réveil dans la nuit, de manière à assurer une bonne dilution des urines aussi bien la nuit que le jour. La nature de l'eau de boisson recommandée doit être prescrite par le médecin. Nous disposons en France d'eaux minérales et d'eaux de source de teneurs différentes en calcium et en bicarbonate de sodium, permettant de répondre aux différents types de lithiase. Les indications respectives de ces eaux sont détaillées dans le livre mentionné ci-dessous.


Note. Les lecteurs qui le souhaitent trouveront des renseignements plus complets sur les lithiases héréditaires, et sur la lithiase rénale en général, dans l'ouvrage récemment paru aux Editions Flammarion Médecine-Sciences : Lithiase rénale, diagnostic et traitement, par P. Jungers, M. Daudon et P. Conort.

 
     

[Plan du site web] Conception : FatCat Films